La numérisation: un défi et une chance

Organisé par les cinq fournisseurs de prestations informatiques internes à la Confédération, en collaboration avec l’Unité de pilotage informatique de la Confédération (UPIC), le congrès sur l’informatique fédérale qui s’est tenu au Stade de Suisse était entièrement consacré à la numérisation. Les quelque 320 personnes présentes à cette occasion ont obtenu un aperçu intéressant de l’évolution fulgurante de cette technologie et pu constater que cette dernière va au-delà du transfert des processus existants vers le monde numérique.

«La numérisation est-elle un terme à la mode, un mot clé, un concept dans l’air du temps?» C’est par cette question que Peter Fischer, le délégué au pilotage informatique de la Confédération, a ouvert le cinquième congrès sur l’informatique fédérale, qui s’est déroulé au Stade de Suisse le 12 septembre 2017. À ses yeux, la réponse à cette question est sans équivoque: «Mieux vaut surfer sur la vague que la laisser vous engloutir.»

«Dès lors qu’une évolution technologie sera possible, elle aura lieu»

Damir Bogdan, fondateur de l’entreprise Actvide AG, est le premier orateur invité à avoir pris la parole. Il a livré un aperçu du monde des start-up et des grandes entreprises, qui, par leurs modèles économiques, nous montrent concrètement ce qu’est la numérisation et vers où nous allons. Il a notamment cité l’exemple de Lee Sedol, considéré comme l’un des meilleurs joueurs de go au monde. En mars 2016, Lee Sedol s’est mesuré au programme informatique AlphaGo, mis au point par Google Deepmind, et a perdu. Le go est un jeu de société asiatique dans lequel le nombre de coups est presque illimité. Damir Bogdan a expliqué que «la victoire d’AlphaGo est d’autant plus remarquable que les développeurs n’ont jamais enseigné le jeu au programme informatique». À force de jouer contre lui-même, le logiciel s’est auto-programmé et amélioré progressivement. Un article publié dans le New York Times en 1997 indiquait qu’il faudrait patienter au moins cent ans pour voir un ordinateur remporter une partie de go. Or, vingt ans plus tard, c’est déjà le cas. Pour Damir Bogdan, cette évolution spectaculaire est due au fait que l’on peut se procurer des capacités de traitement et de stockage à des conditions de plus en plus avantageuses. «Il n’y a qu’une seule réponse à la question de savoir quand une technologie évoluera», ajoute Damir Bogdan: «si elle est possible, cette évolution aura lieu, quel qu’en soit le moment».

Le Danemark, pays du numérique

Pionnier en matière de numérisation de l’administration, le Danemark apparaît régulièrement dans le peloton de tête lors des enquêtes sur la numérisation et la cyberadministration. Ancien directeur de l’autorité danoise chargée de la numérisation et actuel sous-secrétaire d’État permanent au Ministère des finances danois, Lars Frelle-Petersen a expliqué dans son exposé comment son pays a abordé le passage de l’administration au numérique: «En 2001 déjà, les communes, les régions et le gouvernement danois ont élaboré une stratégie commune de numérisation de l’administration. Nous nous sommes dit que le fait d’être citoyen au Danemark devait être simple. Les gens se sont habitués aux services numériques dans leur vie privée. Pourquoi la fourniture d’une prestation électronique officielle ne serait-elle pas aussi aisée que le traitement d’une commande dans un magasin en ligne?» Pour ce faire, le Danemark a commencé sa mue en 2001 par l’instauration d’une signature numérique. «À cette époque, personne ne comprenait comment cette signature fonctionnait. Elle offrait une sécurité très élevée, mais était beaucoup trop compliquée», a poursuivi Lars Frelle-Petersen. «Lors d’une deuxième tentative, nous avons collaboré avec les banques danoises à la création d’une signature numérique plus simple pour les citoyens». Ce partenariat entre l’administration et le secteur privé a été un succès: trois mois plus tard, 3,5 millions de citoyens utilisaient déjà la signature numérique. À l’heure actuelle, 1,8 million de signatures sont apposées chaque jour.

C’est ainsi que l’administration danoise a développé son offre numérique au fil des ans. Un outil particulièrement intéressant à cet égard est la boîte aux lettres électronique, que les citoyens sont tenus d’utiliser depuis 2011 pour correspondre avec les autorités. Par conséquent, 4,8 millions de Danois âgés de 15 ans et plus en possèdent une et peuvent recevoir par ce biais les messages des autorités. À cet égard aussi, l’État danois collabore étroitement avec le secteur privé au lieu de miser sur une solution individuelle. Les utilisateurs qui le souhaitent peuvent ainsi permettre aux entreprises partenaires de leur envoyer des communications officielles. La publicité est toutefois interdite.

À ce jour, le Danemark propose plus d’une centaine de prestations numériques en libre-service et a déjà dématérialisé 87 % de l’ensemble de ses services publics. «Pour pouvoir atteindre cet objectif, nous nous sommes rendus au Parlement danois chaque année à partir de 2012 afin de proposer que de nouveaux services numériques deviennent obligatoires», indique Lars Frelle-Petersen. Cette décision a eu des retombées positives sur les finances du Danemark. En effet, les processus numériques permettent à l’État de dégager annuellement quelque 296 millions d’euros qu’il peut affecter à d’autres secteurs.

Lars Frelle-Petersen parle de la numérisation au sein de l’administration danoise.
Lars Frelle-Petersen parle de la numérisation au sein de l’administration danoise.

Le passage au numérique nécessite de nouvelles formes de collaboration

Pour Peter Fischer, le passage de l’administration fédérale au numérique va au-delà d’une simple «électrification» des opérations qui sont exécutées à l’heure actuelle sur papier. «La numérisation consiste en une transformation et en une simplification des processus. Comme dans l’économie, des maillons entiers de la chaîne de création de valeur peuvent devenir obsolètes. Cette évolution nécessite donc la mise sur pied de nouvelles formes de collaboration. Il faudra en effet remplacer les silos verticaux de l’administration fédérale par des réseaux et des écosystèmes horizontaux, au sein desquels différents partenaires fourniront un service en commun.»

Peter Fischer, délégué au pilotage informatique de la Confédération.
Peter Fischer, délégué au pilotage informatique de la Confédération.

Un guichet unique pour réduire la charge administrative des entreprises

Le guichet unique du Secrétariat d’État à l’économie illustre la manière dont l’administration fédérale applique les prescriptions relatives à la numérisation des contacts qu’elle entretient avec les habitants et les entreprises. Présenté par Philippe Zimmermann, le chef du projet correspondant, ce portail permettra aux entreprises d’effectuer toutes leurs démarches administratives, de la création à la liquidation d’une société, en passant par l’exploitation de cette dernière. L’avantage de ce portail réside dans la possibilité d’effectuer ces démarches à tous les échelons de l’État à partir d’une page d’accueil centrale et au moyen d’un seul compte d’utilisateur, même sans avoir une connaissance approfondie des processus administratifs sous-jacents. Baptisé EasyGov.swiss, ce guichet unique est en ligne depuis le 6 novembre 2017.

Des services de mobilité regroupant tous les fournisseurs?

L’Office fédéral des transports mène actuellement un projet dont le but est d’identifier les bases nécessaires pour fournir des prestations de mobilité par voie électronique. Selon Gregor Ochsenbein, le chef du projet, «il n’existe à ce jour aucune application qui permette d’afficher tous les services de transport disponibles pour un trajet donné, de comparer les prix des différentes combinaisons, et idéalement de réserver immédiatement l’option de voyage sélectionnée». Pour qu’un service de ce type puisse voir le jour, il faut disposer de diverses informations géographiques, opérationnelles et tarifaires. À ce stade, le travail consiste à évaluer les données existantes et le potentiel des services de mobilité. Il faut également déterminer si ces services peuvent contribuer à terme à mieux utiliser les infrastructures de transport existantes.

Dossier électronique du patient

Le responsable d’eHealth Suisse, Adrian Schmid, a présenté le dossier électronique du patient (DEP), que le Parlement a décidé d’instaurer en 2015 à une large majorité. Dans le domaine de la santé, les informations sont échangées entre divers acteurs, à savoir les médecins généralistes, les spécialistes, les pharmaciens, les thérapeutes, le personnel hospitalier, le personnel soignant des maisons de retraite et les prestataires de soins et d’aide à domicile. «En Suisse, deux tiers de ces échanges se font encore par fax ou par courrier postal», explique Adrian Schmid. Cette situation devrait changer grâce au DEP, car les informations seront numérisées et mises à la disposition des personnes agréées. Les patients pourront consulter à tout moment les données qui les concernent, octroyer les droits d’accès à ces dernières et ajouter à leur dossier leurs propres informations de santé. Le DEP sera déployé dès la moitié de 2018.

Relever ensemble les défis liés au passage au numérique

En sus des deux orateurs invités, Damir Bogdan et Lars Frelle-Petersen, plusieurs personnes ont pris part à un débat en fin de journée. Ainsi, Lukas Bruhin, secrétaire général du Département fédéral de l’intérieur (DFI), Peter Fischer, délégué au pilotage informatique de la Confédération, Giovanni Conti, directeur de l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication (OFIT), et Jean-Paul Theler, chef de la Base d’aide au commandement (BAC), se sont exprimés sur le thème principal du congrès. Tous ont souligné que la numérisation allait au-delà de l’automatisation des processus existants et que le passage de l’administration fédérale au numérique nécessitait une culture d’entreprise qui permette de repenser les processus opérationnels et ne se contente pas de reproduire les structures existantes à l’identique dans le monde numérique. Pour réussir sur cette voie, il faut créer de nouvelles formes de collaboration entre les prestataires et les bénéficiaires de services, car la séparation entre les connaissances techniques et les connaissances informatiques ainsi que le cloisonnement des différents domaines spécialisés que l’on constate encore souvent ne permettent pas de répondre aux défis du monde numérique. Pour l’ensemble des participants au débat, la numérisation concerne toutes les unités administratives de la Confédération et ne peut pas être sous-traitée. Seule l’union de toutes les forces permettra de relever ces défis et de saisir les occasions offertes par le passage au numérique.

Les présentations des divers intervenants et les photos du congrès sont disponibles à l’adresse intranet.isb.admin.ch.

Participants au débat (de gauche à droite): Lukas Bruhin, secrétaire général du DFI, les deux orateurs invités, Lars Frelle-Petersen et Damir Bogdan, puis Peter Fischer, délégué au pilotage informatique de la Confédération, Giovanni Conti, directeur de l’OFIT, et Jean-Paul Theler, chef de la BAC.
Participants au débat (de gauche à droite): Lukas Bruhin, secrétaire général du DFI, les deux orateurs invités, Lars Frelle-Petersen et Damir Bogdan, puis Peter Fischer, délégué au pilotage informatique de la Confédération, Giovanni Conti, directeur de l’OFIT, et Jean-Paul Theler, chef de la BAC.

Texte: Daniel Wunderli

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